L'épreuve

Le concept associé à la lettre Heith est celui de barrière (délimiter) et par extension celui d'épreuve.

Pour comprendre ce concept au niveau microcosmique, il est nécessaire de revenir au macrocosme, à la Création, à la direction qu'elle poursuit. Le mouvement en question est double : involution de l'esprit dans la matière, puis assomption de l'esprit. Tiphereth est justement au centre de ce mouvement comme nous l'avons vu, mais le point de bascule dans l'Arbre, celui qui nous redirige vers le Haut autrement dit, se trouve quant à lui en Yesod.

Or, le patriarche associé à Yesod est Joseph (fils de Iacob, patriarche associé à Tiphereth) et nous allons voir que ce personnage biblique personnifie justement le rapport à l'épreuve sur la Voie.

Joseph est l'un des douze fils de Iacob. Bien que n'étant pas l'aîné, son père voit en lui un prince en devenir. Il est particulièrement connecté au Monde du Mi, via le rêve. Très vite, ses frères deviennent jaloux de lui et même le détestent. Ils finissent par le jeter au fond d'une fosse dans le désert, souhaitant le laisser pour mort, mais Yehoudah convainc ses frères de plutôt le vendre comme esclave à une caravane se rendant en Egypte. C'est le début d'une suite d'épreuves pour Joseph, qui se retrouvera notamment emprisonné un certain temps avant de finalement devenir le premier vizir de Pharaon.

Sans rentrer dans les détails, très riches, de ce mythe, ce qui nous intéresse ici est la manière dont Joseph va "répondre" aux épreuves successives dont il est l'objet. Pour commencer, il ne se plaint pas ni ne critique ou ne juge ce qu'il considère seulement comme les médiateurs de l'épreuve. Notons également que ses principales épreuves (la fosse, l'esclavage, la prison) constituent à chaque fois un enfermement, un temps d'arrêt, une privation de liberté. Mais aussi qu'à chaque fois - par son attitude, il en sortira grandit, aussi bien intérieurement qu'extérieurement (jusqu'à devenir le grand vizir de l'Egypte !)

Cette notion d'enfermement nous renvoie à la lettre Samech (seule lettre fermée de l'alephbeith) qui justement prendra sa place en Tiphereth aux côtés de Heith lors de la remontée de l'Arbre...

Quels sont donc ces enfermements, ces limitations ? Il semblerait que nous soyons en fait à l'origine de ceux-ci. Involués dans la matière, dans le monde du Ma, du temps et du limité, de la restriction, des passions et des plaisirs, il semblerait que notre conscience finisse elle-même par s'auto-limiter et par conséquent à limiter le champ de son expérience. Ce faisant, elle enchaîne l'être toujours davantage dans le Monde du Ma, lui refusant toute idée d'expansion, d'évolution...

Or cela va à l'encontre du mouvement premier dont nous avons parlé : involution / assomption. Lorsque cette respiration reste trop longtemps bloquée, il semblerait que la combinaison des événements se charge de nous "secouer" pour que nous reprenions notre souffle en quelque sorte... Pour que nous revenions dans une dynamique d'expansion de notre sphère spirituelle autrement dit, du champ des possibles. Ce faisant, nous agrandissons de nouveau notre espace intérieur, comme nos poumons se remplissant d'air crée un espace supérieur dans notre thorax, et nous devenons plus légers... et nous avons ainsi tendance à nous redresser... (au contraire de l'épreuve qui nous enroule sur nous-même ! comme la matière est symboliquement de la Lumière qui s'enroule sur elle-même.)

De ce point de vue initiatique, l'épreuve quelle qu'elle soit est foncièrement positive dans le sens qu'elle contient en potentiel une libération croissante de l'âme. Elle est la matrice qui va nous faire prendre conscience d'une auto-limitation et qui peut potentiellement nous pousser à faire tomber nos murs (de Jéricho) intérieurs, si tel est notre choix (Gedoulah), si tel est notre courage (Gebourah). Dans le cas où nous ferions le choix de continuer à rester dans "les jupons de notre mère", c'est-à-dire dans nos manières limitées de percevoir et de nous mouvoir dans la vie, l'épreuve se réitérera indéfiniment, de différentes façons, et souvent de manière croissante...

Une règle semble cependant de mise, nous ne vivons que ce que nous sommes capable de supporter.

L'histoire de Joseph nous apprend qu'on doit devenir responsable de nos épreuves, non pas forcément dans le sens où nous en soyons systématiquement l'origine (bien que cela semble quand même très souvent le cas !) mais plutôt dans le sens d'en devenir responsable dans le but d'atteindre une nouvelle dimension de soi-même. Cette attitude face à ce qui semble souvent une injustice va nous permettre paradoxalement de devenir un juste, un "tsadiq". Rappelons que la Lame en question en Tiphereth est la Justice et qu'au nom de Joseph sera adjoint celui de Tsadiq.

En devenir responsable, c'est tout simplement se donner la possibilité d'agir sur elle, de ne plus subir. C'est se saisir encore une fois de l'opportunité d'une expansion de conscience, d'une libération.
Joseph, quelle que soit son épreuve, s'appliquera toujours à garder une connexion au Monde du Mi, garant d'une prise de conscience accélérée de ce que nous demande l'épreuve de dépasser en soi.

Concernant nos auto-limitations dont il est beaucoup question ici, nous aimons bien cette image...
Le cheval, à l'arrêt, représente il nous semble notre conscience incarnée dans un corps physique, et les œillères que nous nous mettons souvent. Le licou (qui fait courber le cou...) symbolise la notion d'attachement (à une valeur, une croyance, un point de vue, une manière d'être, etc.) La chaise avec ses 4 pieds renvoie à l'ancrage dans la matière. Cette image nous semble très parlante car nous voyons bien ici que ce n'est pas la chaise qui empêche le cheval "d'aller voir au-delà", mais bien l'idée que le cheval se fait de la chaise !

Nous pensons que cette image résume à elle-seule le concept de l'épreuve et aussi la manière de la traverser. Pour que la situation extérieure se débloque, nous comprenons que c'est l'être lui-même qui doit débloquer quelque chose en lui (l'idée qu'il se fait de la chaise). Parfois cela est assez clair mais bien souvent ce processus de la chaise à laquelle nous nous attachons est surtout très inconscient !

Alors nous commençons à râler contre la prison ou le geôlier, nous pleurons notre liberté perdue ou nous l'exhortons, nous tournons en rond (Samech), les émotions apparaissent (le mouvement est bloqué, l'énergie s'excite) et deviennent notre propre Géhenne... alors que nous portons à la ceinture les clés de notre paradis !

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